Être centenaire...
Pourquoi pas !

 

 

 

 Devenir centenaire ? ! Quelle drôle d’idée !

 D’entrée de jeu, le docteur Laurent Jacob pose le grand problème de la vie : Est-il inéluctable de vieillir ?

 Mais vieillir, c’est quoi, au fait ? Pouvons-nous vraiment ne pas vieillir ?

 Les nombreuses questions soulevées dans ce livre nous concernent tous et toutes à des degrés divers sur l’échelle du temps, mais fondamentalement de la même manière.

 Est-on obligé de vieillir quand on avance en âge ? Peut-on être déjà vieux quand on est encore jeune, ou être encore jeune quand on est âgé ?

 Insensiblement, l’auteur nous emmène dans une réflexion qui va nous conduire à faire la différence entre le fait de prendre de l’âge et celui de vieillir.

 L’un exprime un temps déjà long que nous avons passé sur cette terre à nous mesurer aux difficultés de l’existence, à réduire nos ambitions, à accepter nos échecs, à emmagasiner de l’expérience à travers les joies, les peines, les déceptions, les trahisons parfois, à découvrir la sagesse au soir de la vie, l’autre, le fait de vieillir, correspond à une disposition d’esprit, souvent faite de fatalisme et de découragement. Et là, ce livre se révèle très précieux parce que Laurent Jacob prend résolument le parti de montrer que l’on peut lutter contre cette fatalité ambiante qui voudrait, l’âge des artères aidant, que nous nous avouions vaincus par notre âge et par notre environnement.

 L’expérience médicale de l’auteur, au quotidien, interdit que lui soit fait le reproche d’une sorte d’angélisme qui nimberait les heures difficiles de la vie, d’un rose abusif et en atténuerait la cruauté. Bien au contraire, il parle d’expérience, à commencer par la sienne, pour dire que c’est en nous que nous devons trouver notre force de vivre.

 Mille conseils, mille explications émaillent un discours construit sur la mise en valeur de nos ressources intérieures pour endiguer le « vieillir » qui nous guette avec son fidèle compagnon de route, le fatalisme du « à quoi bon ? ».

 Il faut bien dire que notre société n’apporte guère d’aide à la personne vieillissante. Au-delà de l’image délabrée que les médias se complaisent à nous présenter, une campagne insidieuse s’attache à présenter les personnes âgées comme une nouvelle catégorie de profiteurs. Retraites, frais de santé, maisons d’accueil pour personnes âgées dépendantes ou non dépendantes, autant de dépenses que ne couvrent guère des cotisations qui ont servi en fait à payer les frais de la génération précédente. Bien sûr, on risque d’entonner le cantique de l’allongement de l’espérance de vie pour expliquer que les vieux d’aujourd’hui sont le résultat d’une amélioration considérable de l’efficacité des soins de santé.

 Mais dans les faits, les choses sont plus complexes :

 Premièrement l’allongement remarquable de l’espérance de vie depuis un siècle concerne la probabilité de durée de vie à la naissance, et nous savons tous que cet allongement est principalement dû à la réduction massive de la mortalité périnatale et du nourrisson, réduction dont les principales causes sont le développement de l’hygiène, les mesures de protection de la femme enceinte et de surveillance de la grossesse, la diminution massive des infections périnatales et l’amélioration des soins après la naissance.

 Selon l’INSEE, cet allongement s’élève à 11 ans pour les hommes et à un peu moins de 14 ans pour les femmes, entre 1950 et 2000.

 Mais les filles, à la naissance, ont une espérance de vie de près de 8,5 ans supérieure à celle des garçons. Les causes, là aussi, sont connues : la mortalité périnatale concerne beaucoup plus les garçons que les filles.

 Deuxièmement la différence entre l’espérance de vie des hommes et celle des femmes va aller en diminuant de sorte qu’à 75 ans, cette différence n’est plus que de 3 ans à peine, et à 85 ans, de 1,3 an.

 Beaucoup d’erreurs sur l’espérance de vie des femmes et des hommes âgés s’expliquent par les effets des deux guerres mondiales sur la pyramide des âges. Ces effets disparaissent aujourd’hui de sorte que nous aurons de plus en plus d’hommes âgés.

 Troisièmement cet allongement de l’espérance de vie ne se répercute pas sur la durée de vie maximale des humains, qui plafonne toujours aux environs de 105- 110 ans à quelques exceptions près, ce qui revient à dire que nous sommes plus nombreux à parvenir à des âges avancés, mais que les dernières années de la vie ne s’améliorent pas.

 Quatrièmement il faut mettre à l’actif du système de santé et du système social une indiscutable amélioration de l’espérance de vie en bonne santé pour les personnes âgées sans qu’il soit possible de l’attribuer clairement à l’un ou l’autre des systèmes.

 Ces quelques données portent avec elles une indication majeure : les personnes âgées représentent la catégorie qui a le moins profité des progrès médicaux.

 En effet, l’espérance de vie à 85 ans s’est accrue, chez les femmes, de 2,15 ans entre 1950 et 2000, et celle des hommes, de 1,6 an.

 Quand on rapproche ces données du fait que les dépenses de santé sont, à ces âges-là, quatre fois supérieures à la moyenne nationale, on mesure l’inefficacité du système et les problèmes posés à la médecine. C’est sans doute l’un des aspects qui contribuent à rendre si attachante et si justifiée l’approche du docteur Laurent Jacob : au moment où la personne âgée est ballottée entre des situations de surmédicalisation inefficace et des situations d’abandon dramatiques (voir les morts de la canicule de l’été 2003), ce praticien en appelle à l’individu lui-même pour élaborer, avec lui, une démarche de survie et même de mieux-vivre, susceptible de lui redonner une vraie joie de vivre et une vraie santé.

 Les développements qu’il nous présente, sur la nécessité de faire face et d’élaborer un véritable projet d’avenir, iront droit au cœur de ceux et de celles qui pourraient désespérer de l’impitoyable diminution de leurs ressources personnelles et de la faible efficacité de la médecine. La chaleur humaine qui transparaît dans ces lignes prendra, pour beaucoup de lecteurs et des lectrices, le caractère d’un encouragement amical à ne pas se laisser aller au découragement, à ne pas lâcher prise.

 L’auteur cite à l’appui de sa démonstration magistrale plusieurs maîtres à penser dont les noms garantissent le sérieux de ses approches scientifiques et de ses analyses.

 Deux noms me sont particulièrement chers et je retrouve dans les lignes de Laurent Jacob, le souffle qui animait ces penseurs : Karl Popper et Henri Laborit.

 Ces deux hérétiques iconoclastes surent affronter les problèmes de leur temps avec un esprit tellement neuf que leur lecture reste toujours un délice de l’esprit.

 Entre le principe de falsifiabilité du savoir scientifique de l’un et l’éloge de la fuite de l’autre, tout est dit pour longtemps sur la relativité des certitudes et des attitudes : que l’auteur de ce livre sur les meilleures manières de ne pas vieillir évoque ces deux penseurs impertinents constitue la meilleure assurance que sa démarche n’est pas conformiste.

 J’y ajouterai un troisième personnage qui ne déparera pas ce petit groupe de « contestataires » de l’ordre établi : je veux parler d’Ivan Illich, mort il y a deux ans, et qui chercha avec tant d’énergie à remettre en question cette société dans laquelle nous sommes et qu’il accusait de trahir l’homme.

 Ses discours enflammés sur la némésis médicale, sur la société « amortelle » pour qui l’humain n’avait plus le droit de mourir, sur la convivialité qui devait régir nos rapports humains, s’inscrivent dans la même perspective que Karl Popper et Henri Laborit.

 Le livre de Laurent Jacob représente, de ce point de vue, une transposition pratique de ces pensées militantes qui cherchent à replacer l’homme au cœur de son destin.

 Vers la fin de l’ouvrage, au chapitre 18, l’auteur nous énumère les 7 règles d’or qui, à ses yeux, doivent nous aider à trouver cette voie de ressourcement de nous-mêmes, en vue d’une suite de vie plus heureuse, plus active, plus constructive et plus sereine.

 Puis-je lui proposer ainsi qu’au lecteur, d’en glisser une huitième, bien utile à l’automne de la vie : savoir garder raison. Cette appel à la sagesse saura trouver sa place, je l’espère, dans un livre tellement rempli d’énergie et d’espérance.

 Et c’est un peu dans cet esprit que j’aimerais conclure cette courte préface en citant la célèbre invocation de François de Sales, ce Savoyard évêque de Genève au début du XVII e siècle : « Seigneur, donne-moi la Sérénité d’accepter ce que je ne peux pas changer, le Courage de changer ce que je puis changer et la Sagesse de savoir faire la différence. »

 Peut-être, dans la dernière partie de la vie, est-il nécessaire de développer la sagesse pour bien voir la différence entre ce que l’on peut encore faire et ce que l’on ne peut plus faire, mais cette forme d’analyse ne laisse aucune place au désespoir ni au découragement, même pas à la résignation, tant il est vrai que sérénité et courage s’appuient, l’une et l’autre, sur une qualité essentielle, fleur rare en toutes saisons, la lucidité, qui seule permet d’accéder au bonheur et de profiter ainsi de la vie, dans tous ses instants, sans la gâcher ni la perdre.

 Mais le bonheur lui-même n’est qu’au bout d’un chemin personnel que nul ne peut faire à notre place. C’est l’aboutissement d’une sagesse de vie qui ne vient qu’avec l’expérience de ses propres réussites et de ses propres échecs, au terme d’un travail critique sur soi et de la reconnaissance des valeurs et des priorités qui nous construisent.

 Comme l’a si bien dit Chamfort (cité par Schopenhauer en exergue de ses Aphorismes sur la sagesse dans la vie ), « Le bonheur n’est pas chose aisée, il est très difficile de le trouver en nous, et impossible de le trouver ailleurs ». Ce qui permet à ce dernier de conclure : « L’essentiel pour le bonheur de la vie, c’est ce que l’on a en soi-même. » La manière très personnelle de Laurent Jacob de solliciter et d’accompagner son lecteur, sa lectrice dans les efforts à entreprendre ne peut laisser indifférent.

 Sa force de conviction va au-delà de la simple démonstration des avantages à attendre d’une meilleure hygiène de vie et d’alimentation, pour s’attaquer au découragement, ce mal insidieux qui ronge insensiblement l’intérieur de chacun de nous dès lors que l’âge ou la maladie altèrent ou seulement modifient nos performances et nos capacités.

 Vouloir entreprendre, faire des projets, ne pas se soumettre à la fatalité mais surmonter son mal, établir les règles personnelles d’une vie active sont autant d’attitudes positives au bout desquelles la vie reprend un sens, et les jours redeviennent teintés des lumières de l’espoir.

 Être centenaire, pourquoi pas ?! 




Vieillir
Pouvons-nous vraiment ne pas vieillir ?

 




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